LETTRE DE BALTHAZAR (52)
de Salé la Neuve (Rabat) à Tanger
du Dimanche 29 Juin au Lundi 6 Juillet 2014
C’est l’heure du Ti punch dans le cockpit alors que la lumière de cet air très pur donne aux remparts leurs premières teintes dorées. Nous voilà installés ce Dimanche 29 Juin, blottis dans une marina toute neuve creusée dans la rive droite de l’oued Bouregreg, entourée de larges allées de promenade et d’immeubles neufs élégants, à un endroit stratégique ; à une encablure, dans notre Nord immédiat, les vieux mais intacts remparts de Salé, dont nous apercevons une grande porte, abrite une médina animée d’où nous parviennent l’appel crescendo des muezzins. Devant nous le pont Hassan II, pont moderne et élancé, enjambe l’oued pour relier Salé (la vieille) et Salé la neuve (Rabat). Sur l’autre rive, à notre Sud, la haute tour ocre et carrée Hassan, aux motifs de pierre stylisés, nous domine, marquant le haut lieu de la capitale du pays. Proche d’elle se dresse la pyramide blanche et verte du mausolée Mohammed V.
Jouxtant la marina un tramway ultramoderne (Alstom), confortable et silencieux, marque un arrêt avant de franchir le pont, nous donnant ainsi un accès aisé aux différents quartiers de la ville.
Dîner rapide sous la tente d’un restaurant situé au bout du ponton et au dodo, nous couchant ainsi avec les poules pour rattraper le retard de sommeil de la nuit précédente.
Nous n’avons pas encore de guide ou documents touristiques mais cela ne fait rien. Après un solide petit déjeuner nous dirigeons naturellement nos premiers pas vers la Kasbah des Oudayas sous les remparts de laquelle nous sommes passés hier, lors de notre arrivée. Le soleil est splendide et déjà chaud mais l’air reste léger grâce à un petit vent de NW qui nous amène la fraîcheur de la mer. Nous y allons à pied, franchissant l’oued sur une de ces jolies barques bleues qui égayent les rives. Nous jouissons depuis la barque du passeur d’une très belle vue sur cette Kasbah blanche et bleue, construite sur la colline dominant l’entrée de l’Oued, entourée de remparts ocres imposants.
La Kasbah des Oudayas est très ancienne, construite du temps des Almoravides au XIIième siècle pour interdire l’entrée de l’oued et l’accès à la ville aux ennemis et autres pirates éventuels. Du 13ième au 15ième siècle elle prend le nom de Ribat El Fath (camp de la victoire) en devenant une base arrière à partir de laquelle sont expédiés les renforts militaires nécessaires pour soutenir, face à la Reconquista, Grenade et son sultanat andalou. C’est d’ici qu’ensuite les Maurisques frustrés, chassés de l’Andalousie par Isabelle la catholique, lancent leurs expéditions de corsaires et de razzias jusqu’aux côtes anglaises. Délaissée ensuite elle est ranimée par les Oudayas qui s’y installent au XIXième siècle, après avoir été chassés de Fès par l’Alaouite Moulay Abderramane, qui trouvait cette tribu guerrière trop encombrante.
Nous pénétrons par une belle porte ouvragée dans une sorte de sas qui donne accès à la petite cité par une chicane entre deux remparts, véritable coupe gorge, à travers une petite porte où l’on se croise à peine. Les maisons blanches, modestes, aux murs peints à hauteur d’homme en couleur bleu indigo bordent les ruelles pavées, étroites et sinueuses qui escaladent la colline. Des bougainvillées et des lauriers roses complètent la palette de couleurs de cette Qasbah pleine de charme. Parvenus en haut, sur les remparts un panorama superbe s’étend sur la mer qui nous a portés, sur l’embouchure de l’oued qu’elle domine et sur Salé et Rabat à nos pieds. Je m’interroge sur l’histoire de ces vieux et gros canons chargés par la gueule, dont le bronze a verdi, portant la fleur de lys. Avions-nous déjà des exportations d’armes du temps de nos rois ? Quelles faveurs ou alliances ou rançons ou troc recherchions-nous ? Les ont-ils simplement razzié sur nos côtes ? On aimerait faire parler ces bouches à feu pour qu’elles nous content leur histoire. Ce serait sans doute palpitant.
Attablés au café Maure, au bord des remparts, au voisinage d’un beau jardin frais et ombragé aux senteurs exotiques, comme les arabes les ont planté à Grenade notamment, nous devisons autour d’un plateau de cornes de gazelle, bracelets d’orange et autres pâtisseries arrosées d’un thé à la menthe parfumé.
Comment est-ce possible de changer de monde à ce point en un jour et une nuit de voile ?
A propos savez-vous d’où vient ce nom de cornes de gazelles pour désigner ces pâtisseries arabes ? J’apprends que ce ne sont pas les cornes de l’animal qui sont évoquées mais le talon en forme de quartier d’orange des pieds des femmes voilées. C’est tout ce qui leur reste de peau nue derrière leur voile pour nourrir les fantasmes des hommes ! Effectivement ces pâtisseries ne ressemblent en rien à des cornes.
Nous retrouvons Bertrand et Bénédicte, arrivés en avion à Casa, au cinquième étage du Golden Tulyp, grand hôtel rive gauche de l’oued Bouregreg où nous assistons au match France/Nigeria. 2 à 0 pour les Bleus qui vont jouer contre l’Allemagne en ¼ de finale, Allemagne qui a difficilement éliminé l’Algérie 3 à 2.
Bénédicte et Nicole font une cure exceptionnelle de matchs de foot mais finalement se laisse prendre par le jeu.
Mercredi 2 Juillet. Médina de Meknès. La discussion est serrée dans la coopérative de tapis dans laquelle un marchand fort sympathique et habile déploie avec son assistant une infinité de tapis en soie végétale (fibres d’aloés), vraie soie naturelle, laine ou mélange de laine et coton. Certaines couleurs sont superbes et les motifs classiques alternent avec des motifs modernes dont certains sont très réussis. Nicole et moi en ressortons, avec des kilims aux belles couleurs. Celui que j’ai acheté mettra une note de gaîté en même temps qu’une évocation de nos vagabondages au pied de la descente ; il prendra le relais de celui qui a fait près de 40000 milles nautiques depuis le lancement de Balthazar en recueillant bravement sable, terre, poussières, eau que les semelles des marins descendent du pont.
Nous ne ferons pas en calèche le tour des remparts impressionnants de Meknès, à l’époque (1672-1727) où le grand Moulay Ismaïl, premier des Alaouites, en fit sa capitale impériale. Mais nous passons un moment délicieux à la lumière du couchant sur la grande Place el-Hedime, devant la Bab (porte) Mansour qui permet de franchir les remparts à cet endroit.
Bénédicte en profite pour négocier un superbe plat à couscous.
Samedi 5 Juillet, temps splendide, en ce milieu de journée. Une petite brise montant progressivement à la jolie brise permet à Balthazar de remonter au petit largue en la longeant à environ 5 milles la côte atlantique Nord Ouest du Maroc. Travers Port Lyautey (Kenitra aujourd’hui) nous faisons route directe sur le cap Espartel et Tanger que nous atteindrons demain matin. Nuit calme et silencieuse mais nécessitant une veille attentive car les bateaux de pêche, certains accompagnés de Lamparos aux projecteurs aveuglants, sont nombreux autour de nous.
Nous avons encore la tête pleine des images et des couleurs de notre voyage à Fès.
Nous nous y retrouvions Mercredi en fin d’après midi en arrivant de Meknès.
Du bel hôtel des Mérinides situé sur une hauteur au voisinage du Borj (forteresse, bastion) Nord nous jouissons au couchant d’une vue magnifique sur la ville ceinte de ses remparts. Lendemain matin, quartier des tanneurs à Fès. De la terrasse du maroquinier nous avons l’impression, réelle je crois, d’assister à une scène qui n’a pas varié depuis le Moyen Age : dans des dizaines d’alvéoles, bassins circulaires carrelés, aux rebords arrondis, profonds de deux mètres environ, pour un diamètre voisin également de deux mètres, des hommes récupèrent avec un bâton muni d’un crochet les peaux longuement immergées dans un lait de chaux d’un blanc légèrement bleuté mélangé de fientes de pigeon. Plus loin, elles tournent dans un énorme cylindre en bois, puis passent dans d’autres alvéoles pour la teinture. La beauté des couleurs et des lumières est saisissante. Une magnifique palette de teintures naturelles s’offre au regard : jaune du safran, bleu de l’indigo, vert de l’amande, rouge du coquelicot, autre rouge de la garance, marron du bois de cèdre. A partir de ces teintures de base, comme le peintre sur sa palette, les différentes couleurs recherchées sont constituées. Dans les alvéoles de teinture, hommes et enfants répètent les mêmes mouvements ancestraux, piétinant les peaux de chèvre, de mouton, de vache ou, plus rarement, de dromadaires.
Aujourd’hui l’odeur, prégnante quand même, est supportable. Mais suivant le stade du processus elle peut être pestilentielle. Redescendus dans les étages de la maroquinerie l’odeur agréable du cuir neuf nous envahit au milieu d’une profusion de babouches multicolores, de ceintures, de sacs, de bagages, de poufs, de blousons, de gants….On comprend ici pourquoi ce pays a donné son nom à l’art du cuir.
Nous voilà maintenant dans le quartier des potiers. Dans la coopérative où nous nous trouvons nous assistons médusés à la fabrication d’une table faite en mosaïques de couleurs. D’abord fabrication à partir d’un bassin recueillant une sorte d’argile liquide de carreaux de taille standard de couleurs naturelles variées cuits plusieurs heures dans des grands fours. Ensuite découpe successive par 4 artisans assis en tailleur de ces carreaux à l’aide de sortes de lourdes herminettes soigneusement affûtées par un aide sur une pierre mouillée, suivant les dessins précis réalisés au préalable à la main levée, des zelliges (tesselles) de la mosaïque choisie. Ces zelliges passent successivement entre les mains des 4 artisans pour parvenir à leur contour précis final aux parois régulières rentrant vers l’intérieur dans leur épaisseur. Ce travail purement manuel, incroyable de précision, nous réserve encore une surprise. Dans une autre pièce en effet deux artisans assemblent le puzzle des zelliges plateau à l’envers. Oui, vous avez bien compris, ils font un puzzle sans voir les lignes, les formes, les couleurs ! Les zelliges sont posées progressivement à l’envers, comme une sorte de pavage, avec des repères qui nous échappent, mais s’emboîtant parfaitement. A la fin de leur travail ils coulent le plâtre qui va les saisir et les figer ensemble. Au retournement, après séchage, vous découvrez de superbes plateaux assemblés avec précision, aux motifs et couleurs variées qui vous laissent pantois d’admiration quand vous réalisez l’extraordinaire difficulté de ce travail intégralement manuel où aucune faute n’est permise. Le magasin d’exposition et de vente révèle la très haute qualité des fameuses poteries de Fès.
Balak !Balak ! Il vaut mieux s’écarter lorsque vous entendez ces appels dans les ruelles étroites de la médina que nous parcourons maintenant. Les charges livrées aux maisons, échoppes innombrables, restaurants, magasins en tous genres qui se touchent sont transportées par trois moyens : de petites carrioles à 2 roues genre remorque de vélos pour les légères, les ânes pour les moyennes, les mulets pour les lourdes. Seulement eux sont adaptés à l’étroitesses des venelles, au passage difficile et marqué par des arrêts fréquents au milieu de la foule, au confinement de ces passages le plus souvent couverts. L’animation de la médina est incroyable, en particulier à partir du milieu de l’après midi en cette période de Ramadan. Les nombreux enfants en vacances actuellement y jouent, les marchands vous interpellent ou demeurent placides derrière leurs éventails d’habits, d’épices, de pâtisseries, de boulangerie, de cuir, les marchands de bobines de fil de couleur enroulent à toute vitesse à l’aide de sortes de moulins mécaniques ou électriques plusieurs fils sur eux-mêmes après les avoir étirer sur une trentaine de mètres dans la ruelle pour en faire de plus gros. Les hommes portent souvent djellabas ou gandouras et tarbouches en s’interpellant bruyamment, les femmes passent voilées ou munies d’un foulard pour la plupart. Dans les mosquées qui apparaissent brusquement au détour d’une ruelle une foule prie, les femmes séparées des hommes. Les plus fidèles ont même un cale sur le front à force de se prosterner parterre en priant Allah. Certes la promiscuité peut peser mais une très forte humanité se dégage de cette vie collective tranchant sur nos modes de vie déshumanisés.
Cette ville fascinante est chargée d’histoire, mais d’une histoire animée d’une vie trépidante sous nos yeux. Elle abrite dans ses vieux remparts presque intacts la plus grande médina du monde arabe, une ville sainte, lieu de pèlerinage et de tolérance religieuse, demeurant un foyer artistique, scientifique, littéraire et philosophique depuis sa fondation. La mosquée Karaouiyne qui fut très longtemps (jusqu’à la récente construction de la magnifique mosquée Hassan II de Casablanca qu’il ne faut pas manquer de visiter) la plus grande mosquée d’Afrique du Nord, symbolise à elle seule ce rayonnement partagé par de nombreuses autres mosquées et médersas qui parsèment la médina. Edifiée à l’origine en 859 à l’initiative d’une femme originaire de Kairouan, chaque dynastie l’ont agrandie et enrichie : les Almoravides l’ont agrandie, les Almohades l’ont dotée d’un monumental bassin aux ablutions, les Mérinides l’ont décorée, les Saâdiens lui ont adjointe deux pavillons-fontaines décoratifs. Elle peut accueillir 20000 pèlerins à travers ses 14 portes donnant sur les petites rues adjacentes de la médina. Sa bibliothèque prestigieuse, fondée en 1349, renferme 30000 volumes et manuscrits. Son université fut pendant des siècles un des grands pôles intellectuels du monde islamique. Des hommes illustres, philosophes comme Averroès, médecins et philosophes comme Maïmonide, des scientifiques, des géographes y ont enseigné.
Non loin de là nous nous attardons dans ce joyau d’art mérinide qu’est la Médersa Attarine.
Un peu sonnés par cette animation trépidante et cette richesse d’impressions nous nous réfugions, au détour d’une ruelle, dans le fondouk Nejjarine, l’un des plus grands caravansérails de la ville. Restauré il abrite un intéressant musée des arts et métiers du bois. On s’efforce d’imaginer l’atmosphère, l’agitation, les odeurs et les couleurs accompagnant l’arrivée d’une caravane dans ce bâtiment élégant au XVIIIème siècle lorsqu’il fut construit. Les dromadaires au centre de la cour intérieure pavée, les voyageurs accédant aux étages à leurs chambres donnant sur cette cour, la cérémonie d’accueil avec le thé à la menthe servi dans des théières ciselées éclairées par des lampes à huile. Dans une ruelle voisine, un bel hôtel particulier ancien nous accueille dans un hâvre de paix et de calme derrière une façade modeste ; portes intérieures cloutées et peintes, de hauteur imposante, zelliges, canapés, lanternes, plafonds hauts et décorés attirent nos regards. Tajine et thé à la menthe nous restaurent.
Il est temps de se replier pour se reposer dans notre grand hôtel des Mérinides, totalement à notre disposition car il est vide, la période du ramadan étant traditionnellement une période creuse pour le tourisme. C’est à partir de ce même hôtel que mon ami Mohammed Dahbi, Fessi ayant brillamment réussi dans le domaine d’assurances aéronautiques et spatiales en dirigeant le plus gros courtier de la place de Paris, faisait découvrir à notre groupe d’anciens administrateurs d’Arianespace, il y a déjà près d’une dizaine d’années, sa ville natale. C’est avec un grand plaisir que je suis revenu pour mieux la connaître et la faire découvrir à d’autres. Au coucher du soleil deux coups de canon presque simultanés nous font sursauter, l’un tiré du Borj Nord, tout près de nous, l’autre du Borj Sud, sur la colline en face. C’est ainsi qu’à Fès on annonce le Ftour, la fin du jeûne quotidien, le même coup de canon annonçant vers 3h15 du matin le début du jeûne (ni boire, ni manger) du jour suivant. Oui, ici la pratique religieuse marche au son du canon ! En fait des réponses concordantes indiquent que moins de 10% (on me parle de 5%) des musulmans répondent à l’appel des muezzins et font leur prière cinq fois par jour, mais que la quasi-totalité de la population (plus de 95%) se conformerait au Ramadan qui rythme ainsi la vie quotidienne. Il est vrai que l’on m’a confié qu’un mouvement de jeunes contestant l’imposition du Ramadan a été sévèrement réprimé rappelant qu’une religion d’Etat n’est pas un sujet de plaisanterie. Certains l’ont payé de leur vie en France en oubliant d’ôter leur chapeau au passage d’un évêque au temps de la monarchie absolue.
Hier Vendredi nous étions revenus de Fès pour venir assister à 4 heures locales au match de ¼ de finale France/Allemagne. Hélas, trois fois hélas, une tête de Hummels fait à elle seule seule la différence dans un match serré entre deux équipes d’un niveau équivalent, le but français ne voulant pas entrer. Nous nous consolons sur le bateau d’un champagne argentin honnête, qui est revenu d’Antarctique, et que nous avions mis au frais puisque à bord il y avait au moins un supporter de chaque vainqueur potentiel. A ta santé Eckard et à la Mannschaft. Il est à noter que le Roi du Maroc a exceptionnellement modifié l’heure légale (TU au lieu de TU+1) pendant la durée du Mundial pour faciliter le suivi des matchs pendant le Ramadan. Le Dieu foot a vaincu Allah et Mahomet doit se retourner dans sa tombe !
Dimanche 6 Juillet 10H30. Voilà Tanger la mythique, sa medina blanche derrière ses vieux remparts escaladant la colline. Le port est toujours un sympathique bordel tel que nous l’avions trouvé avec Marines il y a une quinzaine d’années.
Te souviens-tu Albertine de la pêche à tes papiers, entre un ponton qui coulait dès que l’on marchait dessus et la coque de Marines. Ton sac non fermé ayant vidé son contenu dans l’eau alors que tu descendais de l’échelle de coupée, un homme barbu avait jailli dans sa djellabah blanche d’un Algeco sur lequel était fièrement peint « Yacht Club de Tanger », armé d’une grande épuisette. En un clin d’œil il fut là te tendant l’épuisette dans laquelle frétillait ton permis de conduire, ta carte d’identité et tous les innombrables objets qu’une femme cache dans son sac. L’homme avait été si rapide dans son intervention que d’après toi il ne manquait rien à l’appel ! Quelle marina ultramoderne offre un tel service ?
Nous avions dû écarter deux chalutiers dans le port de pêche seul disponible, pour y glisser notre ancre et culer vers l’extrémité du ponton unique semi submersible. Mais l’excellent souvenir de cette ville accueillante et légendaire m’y conduit à nouveau aujourd’hui. Nous revoilà au port de pêche toujours aussi animé ; le vieux ponton est devenu trois pontons totalement occupés par des petits bateaux locaux mais un homme dans une guérite du yacht club me hèle pour me désigner une étroite place au quai des ferries, entre un ferry accosté et une pilotine. Après avoir hésité à prendre cette place car le débarquement sur le quai élevé en escaladant un énorme pneu d’engin de chantier servant de pare battage aux ferries ne me paraissait pas évident pour nos gazelles, encore que Bénédicte soit une brillante grimpeuse, nous nous y résolvons finalement car l’appel de Tanger résonne fort dans l’équipage. A mouiller par l’arrière et avancer doucement en marche avant pour accoster la haute proue de Balthazar près du haut du pneu. Cela facilitera le débarquement. Un marin de la pilotine plein de sollicitude nous aide à passer les amarres sur les gros anneaux du quai. Il court en outre chercher sur un remorqueur voisin une bouline (décidément il faut que j’en confectionne ou trouve une car c’est la troisième fois qu’elle me fait défaut) nous permettant, après quelques échecs, de lui lancer la bouline à laquelle j’ai attaché un long et léger filin à la poupe du ferry qui nous domine, lui permettant de tirer ensuite la longue amarre flottante de l’Antarctique. Il me rassure en m’expliquant que ce ferry est en panne et qu’il ne bougera pas de si tôt.
Finalement nous nous trouvons très bien dans notre mouillage portuaire. Cela nous change des marinas impersonnelles et aseptisées. A nous Tanger et ses mystères.
Aux parents et ami(e)s qui nous font la gentillesse de s’intéresser à nos aventures nautiques à travers ce carnet de voyages.
Equipage de Balthazar : Jean-Pierre (d’Allest), Eckard (Weinrich), Nicole (Delaittre), Bertrand et Bénédicte (Duzan).